Femmes de Boue

La pièce

© Anaïs Morisset Desmond – @utbarley

Une pièce documentaire et poétique sur nos mères et nous


Créée de manière collective, cette pièce est le fruit d’entretiens croisés entre nos mères et nous et d’écritures au plateau. Nous y avons exploré l’intime, le féminin, et les questions de transmission intergénérationnelle. Quatre femmes entament un voyage dans leurs intimes, où résonnent les voix de leurs mères et ce qu’elles ont reçu en héritage. Elles s’emparent pour cela de figures mythiques, figées dans l’image que l’on s’est fait d’elles, dont l’histoire a beaucoup été racontée par les autres et surtout, par les hommes. Dorothée, Médée, Lady Diana et la Vierge Marie sont des figures historiques, des role model populaires ou bien mythiques, comme nos mères pour nous. Que diraient-elles du monde d’aujourd’hui ? De leur condition de femmes, de filles et parfois de mères ? 

Nous sommes toutes à la fois comédiennes, metteuses en scène et autrices du spectacle. Cela rend le processus de création très long mais l’enrichit profondément. L’aspect complètement collectif du travail, nous permet d’explorer au mieux la pluridisciplinarité de chacune. 

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© Laure Barrière – www.matriochkas.fr

Le dossier de présentation


Le protocole de questions


Ce que nous avons demandé à nos mères en les enregistrant et ce qu’elles nous ont demandé en retour:

1 –  Quelle image avais-tu de toi à 18 ans? (rapport à soi, à son corps – mais pas que-, à ses complexes)  

2 –  A 18 ans : qu’est-ce que c’était l’amour pour toi ? 

3 – Et aujourd’hui ? Est-ce que ça a changé ? En quoi ça a changé ? Quelle est ta relation à l’amour / la relation amoureuse / l’autre ? Le couple pour toi c’est quoi ?

4  –  Qu’est-ce qui t’a fait tomber amoureuse de papa ?

5 – Est-ce que tu penses qu’être une femme t’a freiné dans ta vie ? Comment ?

6 –  Quel est ton travail et quel est ton rapport à lui ? Que représente t’il pour toi ?

7 –  Quelles sont les personnes qui t’ont influencé dans ta vie ? Est-ce qu’il y a une ou plusieurs femmes qui t’ont influencée / inspirée à devenir la femme que tu es aujourd’hui ? Lesquelles et pourquoi ? 

8  – Comment te situes-tu par rapport à ta mère à toi ? Que t’en disait-elle : de l’amour, des hommes, de l’image de soi, de sa place et de la tienne par rapport aux hommes, dans la famille, dans la société ?

9 –   Peux-tu me parler de ton père ? Comment décrirais-tu ta relation à lui ? Et sa relation à toi ? Notamment à l’adolescence ? 

10 –  Quel était / est ton rapport à tes frères et soeurs ? 

11 – Comment as-tu vécu ton positionnement dans la fratrie ? (par exemple :  qu’est-ce que ça fait d’être l’avant-dernière d’une fratrie de 6 ou d’être enfant unique ?)

12 –   Est-ce que tu as déjà eu honte de tes parents ? Pourquoi ? Comment décrirais-tu leur relation ? 

13 –  Qu’est-ce que ça a représenté pour toi de devenir mère ? Est-ce que ça a changé quelque chose en toi ?

14 –  Est-ce qu’il y a quelque chose que tu es heureuse de m’avoir transmis ?

15 –   Si tu pouvais revenir en arrière, est-ce qu’il y a quelque chose que tu ferais différemment, notamment avec moi ? 

16  – Comment as-tu vécu mon passage à l’adolescence ? Comment t’es-tu senti par rapport à moi à cette époque ? 

17 –   Comment tu te vois aujourd’hui ?

Voici les questions posées à nos mères et qu’elles nous ont posé en retour. Nous tenions là l’essence de notre spectacle : à la croisée des chemins entre paroles brutes, écriture en plateau, danse, vidéo, performance et arts plastiques. Nous parlons donc, ici, de nos mères, de leurs histoires, de la filiation, de nos relations à elles et de leur rapport à elles-mêmes et de tout ce que l’on peut parfois se trimballer d’une génération à l’autre.  Ces interviews furent notre point de départ, celui de notre écriture en plateau


Notre terreau :

Les entretiens avec Mireille, Mado, Yolande et Michèle

… nos mères.


Extraits interview

Juliette : Aujourd’hui, quelle est ta vision de l’amour ?

Mado : Ma vision de l’amour aujourd’hui… C’est un compagnonnage, c’est une rencontre, c’est pouvoir être qui on est à côté de quelqu’un qui ne se transforme pas non plus pour nous plaire.(…) C’est de la tendresse partagée, c’est de la simplicité. C’est être là pour quelqu’un, que quelqu’un soit là pour toi. Mais pour des bonnes raisons. Pas seulement pour le quotidien, pour tout le reste aussi. C’est un élan vers quelqu’un que tu choisis, pour une journée, pour dix ans, pour toute la vie.

Juliette : Est-ce que tu l’as déjà vécu toi, ça ? (Silence).

Mado : Pas sûr, en fait.


Coralie : Tu t’es remariée à 52 ans, c’est… Quelle saveur ça a ? Du coup si tu devais repenser à ton mariage à tes 52 ans et celui à tes 18 ans ?

Yolande : En fait j’ai plus participé et… Et comment dire…. J’ai plus ressenti les choses à 52 qu’à 18 ans. À 18 ans… euh… ben voilà, j’étais heureuse et tout ça, mais j’ai eu l’impression que ce jour là, il est passé sans que je sois… Alors…j’allais dire sans que je sois présente mais c’est pas ça. C’était comme si je le survolais. Mais bon c’est dû à la jeunesse aussi je pense. Parce que j’avais l’impression que c’était pas moi qui avait décidé… Pas de me marier… Mais toute la fête… 


Fanny : Est-ce que tu penses que le fait d’être une femme a pu te freiner dans ta vie ?

Mireille : Certainement, parce que la société fait que quand tu es une femme, surtout sur un poste à responsabilités, il faut que tu prouves trois fois plus qui tu es et quelles sont tes idées, etc. Et que tu t’imposes. Mais par exemple, dans mes fonctions, dans la fonction publique, je gagne le même salaire qu’un homme…mais après c’est le déroulé de carrière qui peut ne pas être le même. Effectivement, certains accèdent à des postes à haute responsabilité plus tôt et s’ils peuvent le faire c’est parce qu’ils ont à leurs côtés une femme qui gère la vie de famille, souvent. Pour moi ce n’était pas envisageable… Parce que j’ai toujours voulu être proche géographiquement de mes enfants. Plus que ton père d’ailleurs. Et puis moi j’ai jamais su… Comment dire… J’ai jamais su ne pas faire les choses pleinement dans mon métier. Mais c’est vrai que je trouvais que c’était un peu injuste, quand on me disait que je sacrifiais mes enfants, voilà.


Armelle : Quelle image avais-tu de toi à 18 ans ?

Michèle : Ouhla … (rires) Plutôt mal dans ma peau, pas sûre de moi, manque de confiance… Envie de vieillir, de passer à autre chose. Je trouvais le temps long à 18 ans et on avait un rapport avec les parents un peu difficile, donc… Il ne fallait pas trop dire ce que l’on pensait… Voilà. Donc c’était plutôt : « vite, qu’on en finisse ! »

Armelle : Et justement, quelle image tu as de toi aujourd’hui ?

Michèle : Ben je suis contente d’avoir vieilli en fait, d’avoir fait tout ce que j’ai fait : dans le travail, dans l’éducation de mes enfants, dans ma vie sociale en général. Je suis assez satisfaite et épanouie on va dire. Bon, après tout n’est pas parfait mais… On a plutôt bien évolué je pense.  

© Georges de Genevraye

Qu’est-ce que tu attends de ce projet ?

Juliette : « Peut-être de toucher à un certain universel, par notre intime. Et aussi cette idée d’une parole qui se transmet, qui répare, d’avancer ensemble, de grandir ensemble, de partage, de transmission… De mère à fille et entre nous d’abord, mais aussi avec les autres. Je sens qu’il y a aussi quelque chose de se réapproprier une parole. On vit quand même un truc assez génial du point de vu féminin en ce moment, c’est très agréable d’avoir cette sensation de vague qui avance et dont on ferait partie. Par ce projet mais pas que… Même nos mères, que toutes acceptent de le faire… Ça a dû les faire flipper… Elles ont dû se dire : « Mais qu’est-ce que je vais me prendre dans la gueule ? » (Rires).

Coralie : « Je crois que j’attends… En fait j’ai plutôt envie de dire : on n’aVend plus, on fait ! On crée une pièce qui offre une vision documentaire et poétique, joueuse et émouvante, qui rend hommage aux paroles de nos mères et aux nôtres. Une pièce où nous faisons un chemin énorme de déconstruction. Une pièce hybride, aussi drôle que touchante et authentique, tant et si bien que nous osons nous mettre à poil dans nos séances de travail. Je crois qu’on est en train de créer un pièce qui offre des possibles, nos constructions après nos déconstructions !» 

Armelle : « Le projet Femmes de Boue représente un désir, une envie d’aller plus loin dans la recherche artistique, pouvant allier le féminin, le mouvement, le sacré et le jeu. Quoi de mieux que de parler des femmes pour cette première création ? L’attente artistique se situe surtout dans la découverte de ce qu’il ressort au fur et à mesure de notre recherche… Les chemins empruntés sont atypiques, et à mon sens, ce voyage s’annonce surprenant. Et incroyablement nécessaire. » 

Fanny : « Par dessus tout c’est ce sentiment de sonorité, de donner un sens au mot à travers notamment ces cercles de parole que nous avons entamés il y a un an. Si ce projet peut aider à inspirer des femmes à explorer leurs lignées de femmes, l’impact de la transmission, ce qu’elles portent malgré elles et qui ne leur appartient pas, les fidélités et les secrets de famille inscrits dans leur corps et donner son sens au mot sonorité, alors tant mieux ! Je trouve que c’est un outil hyper puissant que d’interviewer sa mère, sa grand-mère, les membres de sa famille. J’aurais aimé le faire tout au long de ma vie. C’est vraiment une façon de libérer la parole entre les femmes des différentes générations de la famille. Je trouve que ce serait quelque chose de très beau. »